Voix de la PI canadienne

Comment savoir ce que vaut votre propriété intellectuelle?

Episode Summary

Sylvain Roy, avocat et expert en PI, discute des points clés à considérer dans l’évaluation de la PI.

Episode Notes

Sylvain Roy, avocat et expert en PI, discute des points clés à considérer dans l’évaluation de la PI.

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Episode Transcription

Maya Urbanowicz (Maya) : Vous écoutez « Voix de la PI canadienne », un balado où nous discutons de propriété intellectuelle avec des professionnels et des intervenants du Canada et d'ailleurs. Vous êtes entrepreneur, artiste, inventeur ou simplement curieux? Vous allez découvrir des problèmes concrets – et des solutions concrètes – ayant trait au fonctionnement des marques de commerce, des brevets, du droit d'auteur, des dessins industriels et des secrets commerciaux dans la vie de tous les jours. Je m'appelle Maya Urbanowicz et je suis votre animatrice d'aujourd'hui.

Les points de vue et les opinions exprimés dans les balados sur ce site Web sont ceux des baladodiffuseurs et ne reflètent pas nécessairement la politique ou la position officielle de l'OPIC.

Aujourd'hui, nous allons parler de la valeur de la propriété intellectuelle et de ce que vous devez prendre en compte si vous essayez d'estimer sa valeur pour impressionner les investisseurs lors de la prochaine levée de fonds. Évaluer la valeur de la PI est une tâche complexe. Les brevets, les dessins industriels, les marques de commerce et les droits d'auteur sont originaux et uniques. Ils ne sont pas des produits courants. On ne peut pas facilement comparer les droits de PI à quelque chose qui existe déjà. De plus, la valeur change également avec le temps, car les droits de PI ont souvent une durée de vie limitée. Les technologies, les marques évoluent au fil du temps. Lorsque la prochaine grande invention est créée, d'autres inventions peuvent devenir désuètes du jour au lendemain. Et bien sûr, la valeur dépend également de certains aspects pratiques. Est-ce simplement un bout de papier ou avez-vous déjà un produit ou un service sur le marché? De certaines manières, la propriété intellectuelle est comme une chanson, un scénario de film, une recette secrète ou un doctorat sur la prochaine grande invention; la valeur dépend de ce que vous en faites, et c'est ce que les investisseurs veulent savoir. Alors, comment estimer la valeur de la PI? Je vais poser des questions à Sylvain Roy, un avocat et spécialiste de l'évaluation de la PI à Montréal. Monsieur Roy, bienvenue dans notre balado.

Sylvain Roy (Sylvain) : Merci, très heureux de partager ce moment avec vous.

Maya : Pour commencer, pouvez-vous nous parler un peu de vous et du travail que vous faites en relation avec l'évaluation de la PI?

Sylvain : Oui, bien sûr. Alors je suis un avocat qui pratique en droit des affaires, droit des technologies. Alors mon parcours est un peu atypique et c'est le cas souvent des gens, des professionnels impliqués au niveau de l'évaluation de valeur. Moi je pratique depuis quoi 1994 et l'année où j'ai démarré mon cabinet, j'ai aussi participé au déploiement d'une première entreprise de développement. C'était dans le logiciel. C'est un environnement de contrôle robotique, temps réel, interactif. Donc j'ai été vraiment au niveau opérationnel dans différentes entreprises technologiques. Ensuite, j'ai été tour à tour consultant, conseiller en PI pour les entreprises asiatiques à Singapour, Hong Kong il y a plus de 20 ans, à l'époque où souvent les entreprises technologiques de ces endroits-là commençaient à avoir leur propre technologie. Donc c'était un moment intéressant. Ensuite, j'ai participé à des transferts technologiques, entre autres avec Siemens, le développement dans le domaine des technologies du spectacle. Et ça m'a amené à démarrer le premier courtier en brevet en Suisse.

C'était vers les années 2005, 2006, 2007. Un courtier essentiellement reçoit des propositions de technologie et essaie de trouver des acheteurs, des repreneurs. Donc, il y avait un besoin de faire l'évaluation de centaines de différentes technologies et de le faire rapidement. Ça m'a permis de développer des réflexes, de développer une expertise, de développer des outils et après la crise financière, qui a été difficile pour l'industrie du courtage, il y a eu un pivot et j'ai à ce moment-là focalisé beaucoup plus sur procéder à des évaluations de valeur pour des technologies très en amont, donc je l'ai fait pour des groupes de recherche, comme le CERN à Genève, je l'ai fait pour différentes universités, des groupes industriels, des entreprises, des inventeurs. Il y a eu ce pivot, puis maintenant ça représente à peu près la moitié de mon activité, l'autre moitié étant le droit des affaires et des technologies.

Maya : Vous avez un parcours très intéressant. Avant d'aller dans les détails au sujet de l'évaluation de la PI, je sais qu'il y a des différences entre l'évaluation de technologie et l'évaluation de la PI pour les droits de PI accordés, tels que des brevets. Pouvez-vous nous parler davantage de ces différences?

Sylvain : Oui, bien sûr. Bon, évidemment, en termes de brevets et de technologie, c'est 2 éléments qui sont très interreliés. La technologie en tant que telle, il y a un potentiel de valeur. La PI, elle va venir aider à concrétiser cette valeur-là, en permettant à l'entreprise d'avoir une position de monopole ou de quasi-monopole. Alors en termes plus financiers, la valeur de la PI, c'est le delta entre ce qu'il est possible d'accomplir en termes de revenus et ce qu'on accomplit vraiment parce que la PI nous permet de défendre notre territoire. Bon, mais en termes de valeur, la valeur d'une technologie, il y a plusieurs composantes. Il faut savoir quels types de solutions la technologie permet de résoudre? Quel est son marché? Quels types de solution, des produits, des services vont venir résoudre, mais pour qui dans la chaîne de valeur ajoutée? Est-ce qu'on parle d'un composant, d'un outil qui permet de fabriquer des produits ou d'un produit fini? Est-ce que c'est un processus? Est-ce que on va directement vers le consommateur? Ou, plutôt il y a une chaîne de valeur complexe, par exemple des intégrateurs, des détaillants, des distributeurs et éventuellement des clients?

Donc, la valeur de la technologie, c'est plutôt de comprendre qu'est-ce qu'on amène et quels seront nos clients pour déterminer ça. La valeur de la PI, ça permet de voir, d'une façon, s'il y a de la valeur dans la technologie, c'est sûr qu'on sera pas tout seul, c'est sûr qu'il y aura des compétiteurs. Donc à ce moment-là PI vient nous aider à nous défendre. Ensuite, on fait une grosse différence entre une PI qui est très jeune, par exemple une demande de brevet qui vient d'être déposée et un brevet qui est délivré. Deux choses complètement différentes. La demande de brevet, c'est un billet de loterie. On va gagner si on a notre brevet est délivré, puis si éventuellement on est capable de le défendre en cour si quelqu'un conteste.

Un brevet est vraiment solide quand il était pas seulement délivré, mais contesté par au tribunal ou dans un recours administratif en annulation. Donc ça arrive souvent, ça c'est des cas typiques. Une demande de brevet, c'est quoi sa valeur? Souvent, c'est un marché de commodité, il y a des centaines de milliers d'inventions qui pourraient être offertes en vente… Donc la demande de brevet (parce que on le sait pas ce qui va avoir un brevet au bout, si le brevet est délivré) ça vaut à peu près les frais, les coûts impliqués dans sa préparation. Ça veut dire les coûts de l'agent de brevet, les coûts internes de développement de cette demande-là dans certains cas, l'outillage et les preuves de concept.

Donc on en arrive à souvent entre 20 et 50 000 $ canadiens, ça c'est le prix moyen d'une demande de brevet dans le marché; il y a très peu de marché pour ça. Par contre un brevet délivré qui aurait des revendications assez larges et surtout dans le cas où il y a de la contrefaçon. Donc souvent les inventeurs viennent me voir « Eh on, je suis mal pris, j'ai un brevet, mais il y a des contrefacteurs ». Ben, je dis, c'est en général, c'est une bonne nouvelle, parce que ça veut dire qu'il y a une utilité pour votre invention. Le brevet aussi va pouvoir vous servir à vous défendre et il y aura quelqu'un au bout qui pourra éventuellement être contraint de vous payer une redevance. Donc ça me permet d'ouvrir la porte à une discussion de licence. On veut pas parler de litige, ça arrive relativement rarement, et c'est très coûteux, mais souvent bon, ben si il y a une contravention qui est réelle, qui est claire, ben vous pouvez vous défendre, et essayer d'aller chercher les redevances ou vous associer à une entreprise de finances qui peut financer votre recours ou une entreprise plus grosse qui dit « Eh, ben moi je veux aller chercher ce positionnement-là dans le marché, je vais aller chercher une licence, puis moi je vais défendre le brevet contre les contrefacteurs ».

Donc, la valeur de la technologie, c'est un potentiel, tandis que la valeur d'un brevet délivré, on est beaucoup plus dans le tangible parce qu'on est plus dans l'économie actuelle, on n'est pas dans des profits futurs nécessairement, mais plutôt de dire, ben écoutez, il y a peut-être des contrefacteurs qui font une contrefaçon depuis plusieurs années. Ben, on peut aller chercher une redevance pour le passé, le présent, puis éventuellement pour l'avenir. Donc c'est 2 réalités complètement différentes, mais interreliées.

Maya : Vous avez partagé beaucoup de concepts et d'informations utiles. Alors pour les entrepreneurs et les inventeurs, quelles sont les questions qu'ils devraient se poser lorsqu'ils font une évaluation de la propriété intellectuelle?

Sylvain : Oui. Alors, évidemment, les questions à se poser, c'est est-ce que j'en ai réellement besoin? Parce que typiquement, un inventeur qui aurait très, très peu de moyens, mais qui aurait peut-être 20 000 $, qui aurait le choix entre faire une évaluation de valeur, faire un dépôt de brevet ou faire un prototype, je lui dirais fais un prototype d'abord. Parce que si t'as pas de prototype, ben vraiment ton dépôt de brevet, il servira à rien parce que tu pourrais intéresser personne. Et la même chose pour l'opinion de valeur. Donc il faut quand même être assez loin dans le processus de développement. Les questions dont on va se poser, c'est qu'est-ce que j'ai réellement besoin? Même si on a une opinion de valeur à un certain prix, il faut être capable de la vendre. Il faut être capable de la défendre envers quelqu'un.

Donc il faut être assez avancé dans son plan, soit de développement, c'est-à-dire de recherche de partenaires commerciaux, si on est dans un cadre de licence. Si on est dans un cadre de financement, il faut que l'inventeur, il faut que la compagnie ait déjà commencé à discuter avec des investisseurs. Jusqu'au point où on parle d'en on est rendu dans l'analyse des risques-bénéfices, l'évaluation diligente. Et là, l'évaluation de valeur peut faire vraiment un impact, peut faire une grande différence. pourquoi? Ben parce qu'on va parler de pas juste de qu'est-ce qui se passe si tout va bien, mais qu'est-ce qui peut mal aller aussi dans la commercialisation d'une technologie? Puis ça influe le prix.

Donc, pour un inventeur, il faut se poser les questions, la question étant, est-ce que je suis prêt, moi, est-ce que je suis assez sophistiqué ou est-ce qu'il manque beaucoup d'informations que je peux aller chercher avec une évaluation de valeur qui me permet de soit de prendre une décision à l'interne, des fois ça arrive quand on a beaucoup de technologies, on veut prendre les meilleurs. Bon, enfin, on fait une évaluation en interne pour savoir, lesquels on va prioriser parmi ces technologies-là.

Si on a un projet majeur, on souhaite aller de l'avant avec un partenaire. Ben on sait que tôt ou tard, le partenaire, ce n'est pas le prix qui est finalement le l'élément le plus important. C'est : c'est quoi les étapes pour se rendre à des ventes? C'est quoi les facteurs de risque? C'est quoi la capacité opérationnelle de l'entreprise à convertir une technologie en un produit, un produit en ventes, les ventes en revenu et en profit. Donc cette expertise-là, opérationnelle, c'est un facteur de risque, c'est aussi important que la technologie sous-jacente.

Et c'est là où l'évaluation de valeur où on fait une évaluation critique d'un plan opérationnel, mais ça va permettre de voir être « OK, il y a certains peut être des éléments à pallier dans l'entreprise, mais si on les pallie, ben là, on est capable de réaliser la valeur de la technologie ». Donc, c'est pour ça que l'entrepreneur doit simplement se poser, avoir une, je pense, une vision ouverte de voir, il me manque des éléments. Si j'ai un prix, ce n'est pas suffisant. Il faut que je présente un portrait plus global, de moi, mon entreprise, ma technologie dans le marché. Où est-ce que je peux aller avec ça?

Maya : Et quels sont les scénarios où l'évaluation de la propriété intellectuelle par rapport à l'évaluation de la technologie est utile? À quel point fait-on une évaluation de la PI?

Sylvain : Oui, alors évidemment, tout le monde voudrait… tous les inventeurs voudraient savoir dès le départ « mon Dieu, combien vaut mon bébé, mon invention? ». C'est important pour eux. C'est important au niveau émotionnel, c'est sûr, mais en termes d'affaires, c'est pas toujours utile, une opinion de valeur.

Faut qu'il y ait un événement. Premièrement, il faut justifier les prix et les coûts importants de l'évaluation. On garde aussi en tête que l'évaluation n'a pas une durée infinie, c'est-à-dire qu'une évaluation qui va se baser sur une opinion, sur un marché, sur le taux de croissance d'un marché, sur la durée de vie utile d'une technologie, ben ça, l'opinion va avoir quelques mois de durée de vie utile parce qu'après ça les données fondamentales vont changer. Il va falloir la mettre à niveau. Donc faut que l'entrepreneur soit prêt à exécuter 3 types de transactions.

Typiquement ça peut être un financement où là l'investisseur se dit « Écoute quand vous me racontez une histoire, c'est bien beau, mais est-ce que vous avez quelqu'un qui aura eu ça? » Est-ce qu'il y a un élément critique? On va critiquer le côté opérationnel, mais vraiment la capacité de la technologie à permettre des revenus et des services dans un quasi-monopole, dans un contexte de quasi-monopole. Tout cet aspect de réduction du risque là par la PI, ben évidemment, elles peuvent être documentées par une opinion de valeur. Donc, lorsqu'on est relativement assez avancé dans un financement, c'est un bon moment de faire cet exercice-là. Ça va sécuriser tout le monde. Alors, et puis le financement, la valeur c'est pas juste le potentiel. Le potentiel, c'est quand ça tout va bien, mais tout… c'est très rare, ça arrive à peu près jamais que tout va bien. Donc il y a, il y a un escompte de cette valeur-là importante.

L'opinion de valeur, c'est qu'elle va permettre de voir, c'est jusqu'à quel point on va donner un escompte sur la valeur que les entrepreneurs pensent avoir. Donc souvent on donne une opinion de valeur, on arrive avec un chiffre, les financiers vont jamais accepter ce prix-là; c'est un potentiel. Par contre, ils vont certainement donner un prix accordé, un prix plus élevé, à la compagnie, peut-être le double de ce qu'elle aurait obtenu, si elle n'avait pas fait l'exercice d'une opinion de valeur. Donc c'est bénéfique pour la compagnie. Mais faut pas avoir d'illusions sur le fait que les gens vont vous donner la valeur indiquée à l'opinion de valeur, ça reste un potentiel. Donc le financement, c'est une chose.

Le 2e événement le plus important, c'est lorsqu'il y a des discussions sur le prix avec des partenariats. Donc que ça soit des coentreprises, une relation de licencié-licencieur. C'est souvent ou même des discussions entre un producteur de technologie et des distributeurs. C'est important de voir, mais écoutez, voici le type de marché, la chaîne de valeur ajoutée. Voici le type de prix qu'on peut aller chercher dans le marché. Donc ces discussions-là peuvent se faire dans le cadre d'une évaluation de valeur qui va être à ce moment-là peut-être beaucoup plus spécifique sur des éléments de prix de revient, de prix, de tolérance au prix, de plasticité du prix dans certains… C'est de l'analyse qu'on peut faire puis, mais évidemment, tout ça est basé sur combien de temps dans le marché la technologie sera utile jusqu'à ce que soit les brevets tombent, ou qu'il y ait une obsolescence technologique par un remplacement. Donc, ça c'est le 2e cas.

Le 3e, typiquement, c'est lorsqu'il y a une vente de la société. Alors ça peut être un achat de la société au complet ou un achat de certains actifs. Donc on pourrait avoir une vente de la technologie. Donc quand on, à ce moment-là, ça serait au tout début, dès qu'on pense essayer de vendre une technologie, on devrait faire une opinion de valeur à ce moment-là et l'opinion de valeur va déterminer beaucoup la stratégie adoptée dans le cadre de la vente.

Maya : Et si on procède avec une évaluation, il y a beaucoup de compétences qui sont nécessaires. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont ces compétences qui sont nécessaires lors d'une évaluation? De quelle information avons-nous besoin et comment aborder la tâche?

Sylvain : Oui alors c'est pas simple, c'est pas une science, l'évaluation de valeur. C'est pas quelque chose qui s'enseigne. C'est plutôt un art qui nécessite de maîtriser beaucoup de savoirs. Bon, moi j'ai la chance. Ben la chance c'est mon parcours, moi m'a amené à passer 30 ans, à participer à des développements technologiques, à participer dans des centres de recherche, à connaître la science, la finance, le droit, la PI. Et donc il faut connaître la PI, peut-être pas autant qu'un agent de brevet, mais presque. Il faut connaître les processus. Les facteurs de risque dans, le pas juste le développement technologique, mais la conversion d'un produit ou d'une technologie, d'une technologie en un produit et d'un produit en revenu.

Il faut avoir de l'expérience en industrie. Il faut avoir de l'expérience d'avoir été à chaque élément d'un développement technologique-là jusqu'à une vente. Pourquoi? Ben parce que.. il y a des facteurs de risques qui sont peut-être difficiles à saisir en termes théoriques, donc faut être, faut avoir vécu les problèmes humains, matériels, financiers; c'est très contextuel. Je veux dire une technologie, on dit que c'est toujours 20 ans. Amener une technologie entre un concept et un produit. Alors souvent on pense que ça va être plus rapide. Pourquoi? Parce qu'on a des outils que le besoin est réel des fois, mais souvent ça prend beaucoup plus de temps qu'on le voudrait. Donc il faut avoir une expérience de ces cycles-là pour être capable de donner une opinion réaliste, convaincante dans le cadre d'une opinion de valeur.

Finalement, c'est pas tant le chiffre à la fin, qui est important pour les interlocuteurs, c'est de voir est-ce que cette opinion-là et réaliste? Est-ce que la personne qui le fait a un vécu qui lui permet d'être relativement objectif? Et finalement est-ce que l'opinion est une base de discussion? Et souvent les gens les interlocuteurs vont apprendre des choses à propos de leurs propres opérations dans l'opinion de valeur. Et c'est le but. Le but c'est de digérer la technologie, de la mettre en lumière par rapport à une expérience sur des dizaines et des dizaines et des dizaines d'expériences un peu similaires, puis être capable d'en tirer des conclusions qui seront utiles pour les inventeurs et pour leur contrepartie qui regardent cette évaluation-là. Donc c'est pour ça qu'il faut, je pense, l'évaluation de valeur est un peu réservée à des gens qui ont un background mixte en PI, en droit, en transactionnel et souvent en industrie.

Maya : J'ai une dernière question pour vous. Lorsque vous avez des conversations avec des entrepreneurs et ils mentionnent qu'ils veulent faire une évaluation de leur technologie, quels seraient les conseils que vous leur donneriez et les questions que vous leur posez?

Sylvain : Ben au départ je pense que de façon bienveillante, parce que moi j'agis aussi comme aviseur, donc c'est aussi de pas essayer de vendre une opinion de valeur, parce que ce n'est pas la solution à tout. On va y venir, il y a beaucoup de demandes pour des évaluations de valeur, mais ce qui est dommage, c'est que cet effort-là ne soit pas utile parce que finalement c'était pas l'outil dont tu avais besoin d'entreprise. Donc les premières questions à se poser c'est « qu'est-ce qui nous manque? » Donc, Robert va me dire : « J'ai besoin de capitaux, j'ai la difficulté à lever de l'argent ou j'ai de la difficulté à trouver des clients ». Donc, première question à se poser, c'est, est-ce que vraiment l'opinion de valeur va pallier à cette problématique-là? Ou est-ce que la problématique est pas ailleurs? Est-ce que c'est peut-être parce que la technologie est… il n'y a pas de preuve de concept assez parlante, est-ce que c'est parce que les métriques de performance sont pas valorisées? Est-ce c'est parce que la documentation est mal faite? Est-ce que c'est parce qu'il manque de l'expertise au sein de l'entreprise? Est-ce qu'il manque, par exemple, les ingénieurs de processus? Est-ce qu'il va manquer des gens en développement d'affaires, mais qui ont une bonne industrie, une bonne connaissance de l'industrie spécifique dans laquelle la technologie se place? Est-ce qu'il manque l'expertise en termes financiers, par exemple, un chef des finances, un CFO?

Donc, il faut regarder ça, puis voir, ben écoutez, orienter l'entreprise à déjà pallier ces lacunes, puis garder une disponibilité pour donner une opinion de valeur. L'opinion de la valeur, elle peut prendre plusieurs formes. Elle peut être une documentation interne. Par exemple, un fichier Excel très, très complexe, un tableau de bord pour que l'entreprise puisse mieux voir où est-ce qu'elle se situe dans son, dans son développement, puis de voir qu'est-ce que ça peut donner comme valeur. Donc un outil interne, ça c'est déjà intéressant.

Dans d'autres cas, ben, l'entreprise a réellement besoin d'un document qui synthétise un petit peu son projet d'affaires relativement à cette technologie dont il est question. Donc à ce moment-là, l'opinion de valeur, elle peut remplacer un plan d'affaires. Les entrepreneurs ont parfois un petit peu le défaut d'aller trop dans le détail dans leur plan d'affaires, de faire un modèle financier super complexe pour 3 ans alors que souvent les financiers vont dire « OK c'est cool, mais c'est quoi le "Big picture"? C'est quoi ta vision sur 5 ans? C'est quoi la vision sur 7 ans? C'est quoi les types de pivots qu'on peut faire si la technologie ne performe pas sur un premier marché? ». Toutes ces discussions-là, on peut adresser ces éléments-là dans ce dans le cadre d'une opinion de valeur qui elle va parler de la techno, va parler de la PI, va parler de l'industrie, va parler du type de modèle économique, va le critiquer, va parler des facteurs de risque. Donc, à ce moment-là, ce qu'on peut avoir, c'est une opinion de valeur qui remplace un peu le plan d'affaires qui est crédible parce qu'il est fait par quelqu'un d'externe souvent, mais qui avec un « imput » de la compagnie. Donc lorsque le besoin d'un tel document, je pense est manifeste, soit parce que des investisseurs ont déjà démontré de l'intérêt ou parce que des acheteurs ont démontré de l'intérêt. Ben, à ce moment-là, on peut se lancer, justifier la dépense, d'investissement d'un professionnel qui va se pencher pendant quelques semaines sur une technologie afin de donner une opinion de valeur. Bon, évidemment, il faut être aussi en mesure pour la compagnie de dire « Ben écoutez, ils ont la capacité d'utiliser l'opinion de valeur en vue d'accomplir leur projet de financement, de vente ou de licence. » Donc il faut être sûr qu'à l'interne, il y a quelqu'un qui est capable de prendre le document, prendre le discours et de le porter et d'être convaincant. Donc, si on n'a pas cette personne-là, si on n'est pas dans ce cadre-là d'un besoin imminent de l'opinion de valeur, mais souvent, ça vaut pas la peine d'en réaliser.

Maya : Monsieur Roy, ce fut un grand plaisir. Vous avez mentionné beaucoup d'éléments importants et pratiques. Merci énormément d'avoir pris le temps de partager vos connaissances et expertises avec nous aujourd'hui.

Sylvain : C'est un plaisir.

Maya : Vous venez d'écouter « Voix de la PI canadienne », un balado où nous parlons de propriété intellectuelle. Dans cet épisode, Sylvain Roy, un avocat et expert en PI, a expliqué les choses importantes à connaître au sujet de l'évaluation de la PI. Il est crucial de comprendre ces détails afin de s'assurer que le processus complet de l'évaluation de votre PI soit utile. Si vous êtes franc sur ce que votre PI peut vraiment faire, ses limites et comment vous allez surmonter les défis, l'évaluation peut devenir une partie clé de votre plan d'affaires. C'est la base de toutes vos conversations importantes pour obtenir de l'argent, pour faire équipe avec d'autres, ou pour vendre votre PI. Ouvrez la description de cet épisode pour trouver des liens à plus d'information sur l'évaluation de la PI.