Voix de la PI canadienne

Se servir de la PI pour obtenir du financement

Episode Summary

Kiriakoula Hatzikiriakos, directrice principale et avocate-conseil principale de la section commercial/international des affaires juridiques de la Banque Nationale du Canada, explique les règles et les défis liés à l’utilisation de la PI comme garantie pour obtenir du financement.

Episode Notes

Kiriakoula Hatzikiriakos, directrice principale et avocate-conseil principale de la section commercial/international des affaires juridiques de la Banque Nationale du Canada, explique les règles et les défis liés à l’utilisation de la PI comme garantie pour obtenir du financement.

À explorer :

Episode Transcription

Maya Urbanowicz (Maya) : Vous écoutez « Voix de la PI canadienne », un balado où nous discutons de propriété intellectuelle avec des professionnels et des intervenants du Canada et d'ailleurs. Vous êtes entrepreneur, artiste, inventeur ou simplement curieux? Vous allez découvrir des problèmes concrets – et des solutions concrètes – ayant trait au fonctionnement des marques de commerce, des brevets, du droit d'auteur, des dessins industriels et des secrets commerciaux dans la vie de tous les jours. Je m'appelle Maya Urbanowicz et je suis votre animatrice d'aujourd'hui.

Les points de vue et les opinions exprimés dans les balados sur ce site Web sont ceux des baladodiffuseurs et ne reflètent pas nécessairement la politique ou la position officielle de l'OPIC.

Des experts en P.I. ont analysé 500 grandes entreprises cotées en bourse aux États-Unis et ont conclu que jusqu'à 90 % de la valeur de ces compagnies est basée sur les actifs incorporels tels que le savoir-faire, les données, une marque forte et, bien sûr, la propriété intellectuelle. Alors, si les investisseurs en bourse sont prêts à investir dans la P.I., pouvez-vous l'utiliser comme garantie pour emprunter de l'argent pour votre entreprise? Eh bien, l'idée n'est pas nouvelle, mais elle n'a pas vraiment décollé pour devenir une option de financement courante pour les entreprises à la recherche d'un prêt. Alors, pourquoi en est-il ainsi?

Pour en savoir plus, notre invitée d'aujourd'hui est Koula Hatzikiriakos, qui a écrit les livres « Secured Lending in Intellectual Property » ainsi que  Secure Transactions in I.P. ». Les 2 sont disponibles en anglais seulement. Ces livres sont riches en informations sur l'intersection entre la P.I. et le droit du financement au Canada et aux États-Unis. Koula est avocate et travaille maintenant à la Banque Nationale du Canada au sein des affaires juridiques et est responsable des procédures et politiques du prêt commercial. C'est un grand plaisir de vous avoir dans ce balado, Koula. J'admire vraiment le travail que vous avez accompli. J'ai lu certains de vos livres. Quel plaisir de vous avoir ici, bienvenue!

Kiriakoula Hatzikiriakos (Koula) : Merci beaucoup, Maya. C'est mon plaisir d'être ici avec vous aujourd'hui et un grand merci aussi à Innovation, Sciences et Développement économique Canada pour l'invitation.

Maya : Donc, nous avons beaucoup de sujets abordés aujourd'hui. Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, je me demandais si vous pouvez nous parler un peu de vous-même et du type de travail que vous faites à la B.N.C.?

Koula : Absolument. Donc, j'ai commencé à exercer le droit civil en 1998 et j'ai obtenu un diplôme de maîtrise en droit comparé à McGill en 2002. Le sujet de ma thèse portait sur les prêts garantis par la propriété intellectuelle, les enjeux commerciaux et juridiques de la prise de logiciels en garantie, et j'ai subséquemment publié 2 livres sur le sujet depuis. Donc, le plus récent date de 2017 avec LexisNexis et tu l'as mentionné, c'est un livre qui a été publié en anglais et s'intitule « Secure Lending in Intellectual Property », c'est-à-dire sûreté sur la propriété intellectuelle. Dans ce livre, j'ai analysé les implications juridiques de la prise de sûreté sur les actifs de propriété intellectuelle. Et pour ceux et celles qui sont intéressés, je tiens également un blogue où je publie des développements dans le domaine du financement de la propriété intellectuelle, et vous pouvez également y retrouver une description de mon livre sur le blogue qui se trouve sur www.koulah.com. Maintenant, en ce qui concerne ma pratique, après avoir terminé ma thèse de maîtrise, je me suis jointe à un cabinet national et j'ai pratiqué en financement commercial pendant une dizaine d'années. J'ai par la suite rejoint le département juridique de la Banque Nationale du Canada, où je suis chargée d'une équipe qui s'occupe des produits de prêt commercial, des politiques, des procédures et de la documentation standard, y compris des acquisitions de portefeuilles commerciaux. Je suis également chargée de cours au programme de maîtrise en droit de l'Université de Montréal sur les sûretés à la faillite, également active auprès de l'American Bar Association, plus particulièrement au sein du comité de financement commercial. Depuis un certain nombre d'années, je copréside le sous-comité de financement de la propriété intellectuelle. En fait, il est intéressant de noter que nous sommes en train de développer présentement une liste de vérification diligente, de vérification diligente en matière de propriété intellectuelle, justement en collaboration avec des avocats canadiens, et qui sera destiné à être utilisé par les avocats dans les transactions de financement commercial. L'objectif sera d'aider les avocats et les prêteurs à effectuer une diligence raisonnable sur les droits d'auteur, les marques et les brevets. Elle devrait être publiée par l'American Bar Association incessamment, donc restez à l'affût. Je tiens également à mentionner que je suis membre du Collectif d'actifs en innovation. C'est une organisation à but non lucratif qui a été sélectionnée par le ministère de l'Innovation, des Sciences et Développement économique du gouvernement du Canada et qui vise à aider les petites et moyennes entreprises canadiennes du secteur des technologies propres axées sur les données dans leurs besoins en propriété intellectuelle. Je tiens également à mentionner un projet intéressant auquel j'ai participé en 2007, qui était le colloque sur le financement de la propriété intellectuelle de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international. Ce qui est intéressant, c'est que les travaux de ce colloque ont conduit à l'élaboration d'un supplément sur la propriété intellectuelle, un supplément au guide sur les opérations garanties qui est publié par ce comité. Pour ceux qui sont intéressés, nous pouvons évidemment fournir le lien vers ce guide qui vise essentiellement à rendre le crédit, le financement, plus accessible et moins coûteux pour les propriétaires de propriétés intellectuelles et les autres titulaires de droit de propriété intellectuelle. Évidemment, l'objectif global est d'accroître l'utilisation de la propriété intellectuelle comme garantie dans le financement de dettes. Une petite note avant de débuter. J'aimerais juste noter une petite mise en garde que les commentaires que je ferai aujourd'hui pendant le balado sont uniquement les miens et ne représentent pas les opinions et les commentaires de mon employeur.

Maya : Wow, merci beaucoup. Et quel parcours impressionnant! Nous allons parler du financement garanti par la P.I. aujourd'hui et c'est un sujet complexe. Mais je pense que nous pourrions l'aborder du point de vue d'un entrepreneur ou de quelqu'un qui n'en a jamais entendu parler. Donc, tout d'abord, quel type d'option de financement garanti par la P.I. existe-t-il?

Koula : Bien sûr, très bonne question. Donc, avant de plonger réellement dans le vif du sujet et de parler des options, Maya, je pense qu'il est important de prendre un peu de recul et de fournir quelques données pour que nous puissions tous avoir un aperçu du contexte. Donc, la valeur croissante de la propriété intellectuelle dans les transactions commerciales éprouvées. Une étude menée par Ocean Tomo, qui est une banque américaine de capital intellectuel, indique que les composantes des données de valeur marchande de Standard and Poor's pour le début de 2015 ont révélé que la valeur d'actifs incorporels implicites du Standard and Poor's 500 des plus grandes entreprises, c'est-à-dire est passé d'une moyenne de 17 % en 1975 à une moyenne de 90 % en 2020. Donc, nous constatons l'importance des actifs incorporels. Pour ajouter à ces statistiques, j'aimerais me référer à quelques chiffres d'une autre société, cette fois-ci, une société de recherche californienne qui s'appelle Relicura. Cette société a examiné le nombre de transactions de financement basé sur la propriété intellectuelle et a noté que le nombre total de transactions entre 2011 et 2016 dépassait les à peu près 945 000, ce qui représente 356 000 demandes de brevets. Nous avons noté aussi dans ce rapport que Bank of America avait la plus grande part du marché avec plus de 60 000 transactions représentant plus que 16 % des transactions adossées à de la propriété intellectuelle. J.-P. Morgan Chase a suivi avec plus de 45 000 transactions pour une part de marché d'environ 12 %. Il y a aussi des données intéressantes de Relicura, encore une fois, sur les plus grandes transactions de financement basées sur la propriété intellectuelle à travers le monde. Et si nous sortons du contexte nord-américain et ce qui est fascinant de noter, c'est que l'une des plus grandes transactions de prêt, basée sur des brevets, a eu lieu en Chine en 2014. L'entreprise chinoise était Quinlan Paper et Quinlan a utilisé son portefeuille de 110 brevets et 34 marques de commerce pour garantir un prêt de 1,3 milliard de dollars américains auprès d'un consortium dirigé par la China Development Bank. Comme nous pouvons le constater, nous vivons dans une économie de savoir. Et avec la croissance exponentielle des entreprises technologiques et axées sur les données, du phénomène de l'Internet des objets, des initiatives de « blockchain » en passant par la valeur des marques de commerce, toutes ces statistiques ne feront que croître avec le temps.

Alors, comment l'entrepreneur navigue dans ce contexte? Les petites et moyennes entreprises auront besoin de soutien financier pour innover davantage et se développer. Alors, où se trouvent ces options de financement?

Et bien, il existe différentes options disponibles pour les petites et moyennes entreprises en fonction de leur stade de développement. Pour résumer, nous pouvons les catégoriser en 3 principales options : les subventions, les capitaux propres et la dette. Au stade précoce de leur cycle de vie, ces entreprises dépendent fortement des subventions gouvernementales ainsi que du financement externe en capitaux propres. Que voulons-nous dire par financement en capitaux propres? Les investisseurs providentiels et les sociétés de capital à risque. À ce stade, la dette n'est généralement pas une source appropriée de financement. Habituellement, les sources de capitaux propres peuvent être complétées par le financement par la dette uniquement lorsque ces entreprises ont suffisamment mûri et sont passées résolument à des opérations plus rentables. Si nous passons à la prochaine étape, qui est la phase de croissance, à ce stade, les entreprises peuvent compléter leurs sources de financement par la dette, bien que pendant cette période, les entreprises ne génèrent toujours pas suffisamment de revenus, ce qui est important d'un point de vue d'une institution financière lorsqu'elle prête à une entreprise dans un modèle de crédit classique. Pendant cette période, il est normal cependant que les entreprises utilisent leur capital initial pour développer leurs activités. C'est pourquoi le financement par dette de risque, communément appelé « venture debt », est une option intéressante pendant cette période. Puis-je dire quelques mots sur le financement par dette de risque, Maya?

Maya : Absolument, oui.

Koula : Excellent! Donc, je dirais que le financement par dette de risque est à la croisée des chemins entre les capitaux propres et la dette, car il présente à la fois des caractéristiques des capitaux propres et de la dette. Le prêteur, dans ce modèle, accorde un prêt à une entreprise qui est garantie par l'ensemble de ses actifs. Probablement. Et si je dis probablement et nous reviendrons plus tard sur cette notion, y compris la propriété intellectuelle. Et en retour, l'entreprise émet des bons d'achat d'actions à l'intention du prêteur. Les prêteurs dans ce domaine, qui prêtent aux entreprises technologiques en phase de démarrage et en milieu de parcours, utilisent un modèle d'affaires qui va au-delà de simplement prendre une garantie sur leur actif de propriété intellectuelle. Leur perspective est que la propriété intellectuelle est le moteur principal de la valeur de l'entreprise. Mais, ils prennent une sûreté sur leur propriété intellectuelle, dans certains cas, pour se protéger des risques qui sont liés aux prêts consentis. Les prêteurs dans ce domaine entretiennent une relation très étroite avec les entreprises qu'elles financent et leur société de capital de risque. Et les bons d'achat d'actions constituent un élément important dans la fixation du prix du prêt. Le prêt est accordé pour faire, en effet, le pont entre le premier et le deuxième tour de financement par capital de risque. Et maintenant, revenons au concept de savoir si ces entreprises accordent une sûreté sur la propriété intellectuelle. J'en ai mentionné quelques mots tantôt. Dans certains cas, ces entreprises ne veulent pas donner une sûreté sur leur propriété intellectuelle. Pourquoi? Parce que la propriété intellectuelle est trop précieuse pour l'entreprise et ses opérations et ainsi que pour les investisseurs en capitaux propres. Alors dans ce cas, les prêteurs peuvent demander un engagement de la part de l'entreprise de ne pas grever leurs propriétés intellectuelles en faveur d'un tiers. Cela signifie que l'entreprise s'engage à ne pas donner de garantie sur sa propriété intellectuelle à une autre partie, à un autre créancier. Et, bien sûr, Silicon Valley Bank; le modèle de prêt de la Silicon Valley Bank était largement basé sur la dette de risque. Comme nous le savons, la S.V.B. a joué un rôle crucial dans le soutien à l'écosystème des « start-ups » technologiques depuis sa création au début des années 1980. Nous avons tous lu ce qui est arrivé à la S.V.B. en mars dernier. Donc, la combinaison de la stratégie de la S.V.B. visant à maintenir des dépôts moins élevés de ces investissements en capital dans les « start-ups », c'est des obligations à rendement plus élevé, a mal tourné malheureusement, lorsque les taux d'intérêt ont commencé à augmenter aux États-Unis et que les marchés technologiques ont commencé à montrer des signes de ralentissement en 2023. Mais le côté positif de cette histoire de S.V.B. et je suis certaine que vous avez lu les nouvelles, je suis ravie de souligner que la Banque Nationale du Canada a accepté d'acheter le portefeuille de prêts commerciaux canadiens de la S.V.B. dans le cadre d'une stratégie plus large visant à étendre sa présence dans le secteur technologique du pays. Le portefeuille est composé d'environ un milliard de dollars d'engagement de prêt, dont environ 325 millions sont en cours, et cela est intégré au sein de l'équipe de technologie et d'innovation de la Banque Nationale. Je suis vraiment heureuse de mentionner cela dans le balado.

Donc, juste pour revenir aux étapes de financement, nous avons parlé de la phase précoce, de la phase de croissance et de la dernière étape qu'on pourrait appeler la phase de maturité. Lorsqu'une entreprise atteint un certain niveau de maturité et est en mesure de générer des revenus, le financement par dette devient une option intéressante. Dans le financement par dette, l'entreprise peut bénéficier de prêts renouvelables et à terme, bien sûr, en accordant une garantie sur l'ensemble des actifs des biens, c'est à dire de l'entreprise, y compris sa propriété intellectuelle. Il existe une autre option de financement qui est appelée financement basé sur les actifs. Le financement basé sur les actifs constitue à apprêter en fonction de la valeur de la garantie, c'est-à-dire de la valeur des biens donnés en garantie pour être plus précis. En général, les comptes clients et les stocks, c'est-à-dire l'inventaire, sont les actifs pour lesquels une valeur de prêt est attribuée. Mais la propriété intellectuelle peut également être attrayante et prise en compte dans la valeur de prêt, dans la mesure où elle contribue à la valeur globale de l'entreprise. Par exemple, aux États-Unis, nous avons vu certains prêteurs qui offrent ce type de prêt de financement et qui accorde une valeur sur la propriété intellectuelle. Il existe également un autre type de financement appelé financement basé sur les revenus récurrents. Et dans ce type de financement, le prêteur finance les entreprises en croissance qui ont un bailleur, c'est à dire EBITDA faible ou négatif. Les entreprises qui utilisent ce type de financement génèrent des flux de trésorerie positifs, mais préfèrent réinvestir leurs revenus dans l'entreprise. Par exemple dans les entreprises de logiciel en tant que service (software as a service) où les revenus sont générés à partir de services d'abonnement des clients tels que les entreprises offrant des abonnements en ligne, les entreprises de commerce électronique. Dans ce cas, les revenus de l'entreprise servent de garantie pour le prêt et la propriété intellectuelle peut également servir de garantie. Vous vous demandez probablement Maya à ce stade : « Eh bien, prendre une sûreté sur la propriété intellectuelle, est ce que c'est un phénomène nouveau? »

Maya : Oui.

Koula : Eh bien, la réponse est non! La propriété intellectuelle comme garantie est utilisée dans les modes de financement de dette depuis un certain temps, mais c'est pas nouveau. Thomas Edison a utilisé son brevet de l'ampoule électrique à incandescence pour le financement afin de créer General Electric. Et c'était à la fin des années 1900, donc cela remonte très loin. Un autre exemple. Et pour ceux qui aiment toujours les stylos — et je sais que nous vivons dans une économie fondée sur le savoir, mais certaines personnes aiment encore prendre un stylo et prendre quelques notes, et je m'inclus dans cela — c'est l'exemple de Lewis Waterman qui a emprunté, en 1884, 6 500 dollars à Asa Shipman and Sons et a donné le brevet de stylo à encre comme garantie pour le prêt. C'est un autre cas intéressant et ce cas, en effet, est monté jusqu'à la Cour suprême du Canada aux États-Unis en 1891. Donc, l'idée de prendre en garantie la propriété intellectuelle n'est pas nouvelle. Mais malgré le rôle générateur de valeurs de la propriété intellectuelle pour une entreprise, les actifs incorporels ne sont pas facilement garantis et nous aborderons certaines des raisons plus tard dans la présentation.

Maya : Oui, c'est vraiment intéressant et merci d'avoir pris le temps de nous donner l'exemple de l'ampoule électrique. Lorsque nous parlons aux entreprises, et je veux dire, il y a tellement de droits de P.I. différents. Vous pouvez avoir un secret commercial, il pourrait y avoir une photographie et vous avez mentionné les marques et les brevets. Si je suis un entrepreneur, quel P.I. puis-je utiliser pour le financement adossé à la P.I.?

Koula : Absolument, c'est une excellente question. Alors, passons des options de financement aux types de propriété intellectuelle qui peuvent être donnés en garantie. Donc, quel type d'actifs? De quoi on parle? Votre question est excellente, car il y a tellement d'actifs de propriété intellectuelle. Mais nous allons parler de ceux qui sont les plus couramment utilisés sur le marché. Et je dirais que ce serait les brevets, les marques de commerce et les droits d'auteur. Ici, j'aimerais mentionner que c'est tant une demande d'un brevet qu'un brevet enregistré qui peuvent être donnés en garantie, par exemple. Les prêteurs préfèrent les actifs de propriété intellectuelle enregistrés, car ils sont protégés par les lois sur la propriété intellectuelle et sont plus facilement trouvables sur les registres de propriété intellectuelle. Et une étape importante dans tout ça, c'est la vérification diligente. Donc, quelle est la vérification diligente? Quelles sont les questions auxquelles on doit répondre? Il y a 6 questions. Donc, la première question liée à la vérification diligente, c'est de savoir le « quoi ». Donc, quels sont les droits de propriété intellectuelle détenus par l'entreprise? Et ça, c'est une question à laquelle l'entrepreneur devra répondre quand il va se financer. Deuxième question : qui est le propriétaire? Ça semble quand même facile, mais le propriétaire pourrait être un individu ou même pour être l'entreprise comme telle. Il pourrait avoir également des copropriétaires, 2 personnes. Troisième question : quand? Quand est-ce que a été développé la propriété intellectuelle? Est-ce qu'une demande a été faite de protection? Autre question  : où est-elle protégée? Donc, où est-elle protégée? C'est une question très, très importante, surtout dans l'économie mondiale dans laquelle nous vivons, car nous pouvons avoir un brevet qui est enregistré au Canada et protégé au Canada et également aux États-Unis, mais pourrait également être enregistré dans d'autres pays du monde. Autre question importante, le « pourquoi ». Pourquoi la propriété intellectuelle est-elle importante pour l'entreprise? Pourquoi est-ce qu'elle doit être protégée? Et, finalement, comment la stratégie de la propriété intellectuelle est-elle liée et intégrée à la stratégie globale de l'entreprise?

Maya : Je suppose qu'à ce stade, si quelqu'un a suivi les 6 questions à se poser et qu'il a commencé à examiner cela, la question à un million de dollars devient : Et bien, combien puis-je emprunter?

Koula : Très bonne question et vous savez, je ne pourrai pas répondre complètement à cette question. Je vais être transparente étant donné que je n'ai que l'expertise juridique en matière de financement de la propriété intellectuelle et non pas l'expertise comptable. Ce serait bien si nous avions un comptable autour de la table. Mais, ce que je peux dire aujourd'hui, c'est que le pouvoir d'emprunt d'une entreprise dépendra de ses revenus et de la valeur de sa propriété intellectuelle. La question de la valorisation de la propriété intellectuelle, c'est un sujet très important et ce n'est pas une tâche facile. Oui, il y a des méthodes de valorisation standard, celle que nous connaissons basée sur les revenus, les coûts qui peuvent être utilisés pour évaluer un brevet par exemple. Mais dans le cas de la propriété intellectuelle, il y a le moment et le contexte de la valorisation de la propriété intellectuelle qui, je dirais, sont les 2 facteurs les plus importants dans l'évaluation de la propriété intellectuelle ou des actifs incorporels. Et qu'est-ce que je veux dire par là? En effet, le temps et le contexte. À quel moment est-ce qu'on veut évaluer les actifs et pour quelle raison? Dans quel contexte? Par exemple, la valeur d'un actif incorporel comme un logiciel peut diminuer très rapidement lorsque le contexte commercial passe d'une entreprise dans le cours normal de ses affaires dans un contexte de liquidation. Les revenus, en revanche, sont facilement évaluables sur la base du bilan d'une entreprise. Cependant, malheureusement, ce n'est pas le cas pour la propriété intellectuelle et il existe des cabinets d'évaluation qui ont l'expertise d'évaluer justement la propriété intellectuelle qui peuvent fournir un rapport aux prêteurs, c'est-à-dire un rapport d'évaluation sur un bien de propriété intellectuelle. Donc, du point de vue du prêteur, il sera important de comprendre la valeur de la propriété intellectuelle et cette valeur doit être évaluée non seulement au moment du financement. Mais le rapport d'évaluation devra également inclure la valeur de la propriété intellectuelle dans un contexte de liquidation. Personne ne veut penser à une entreprise qui entre dans une phase de liquidation, mais c'est une réalité qui peut survenir et le prêteur doit évaluer cela au début de la transaction. Donc, quand nous parlons de la valeur de la propriété intellectuelle en liquidation, c'est ce qu'on appelle dans le jargon la valeur nette de liquidation ordonnée. Et je vais donner un exemple, nous connaissons tous l'exemple de Kodak. J'adore donner des exemples pratiques parce que ça met vraiment une évidence la théorie. En janvier 2012, Kodak avait demandé la protection en vertu du chapitre 11 du code de la faillite aux États-Unis. Et dans les procédures, Kodak avait annoncé qu'il vendrait ses brevets d'imagerie numérique pour sortir de la faillite. Kodak a effectivement mené à bien la transaction pour la vente et la concession de licence qui, à l'époque, était 1 100 brevets d'imagerie numérique pour un produit net de 527 millions de dollars. Ces 527 millions de dollars étaient bien en dessous de la valeur attendue de 2,6  milliards de dollars. Et ça, c'est juste un exemple de la diminution significative de la valeur des actifs incorporels dans le contexte de la liquidation. Donc, c'est quelque chose d'important à garder à l'esprit et surtout lorsque vous allez vous asseoir avec un prêteur et il vous demande une évaluation des actifs.

Maya : Wow, c'est une grande, grande disparité. Donc, soyons un peu plus pratique maintenant. Disons que nous sommes arrivés au point où ma P.I. a été évaluée et nous avons une bonne idée de sa valeur. Quelle serait la prochaine étape?

Koula : Oui, donc, une fois que le prêteur a mené à bien sa diligence raisonnable, dont on a discuté tantôt avec les 6 questions, et qui il est prêt à financer l'entreprise, les 2 parties, le prêteur et l'emprunteur, vont se réunir pour convenir des termes et conditions générales du financement. Bien sûr, vous savez, et si nous parlons beaucoup de langage juridique, le prêteur va exposer les termes et conditions dans une lettre d'intention qui deviendra contraignante une fois que le comité de crédit de l'institution financière aura approuvé le financement. Et suite à cela, l'emprunteur et le prêteur vont conclure un accord de crédit ou de prêt qui va énoncer les produits spécifiques qui sont à faire, c'est-à-dire ça peut être une ligne de crédit renouvelable, un prêt à terme, un financement basé sur des revenus récurrents, etc. Donc, le montant du financement bien sûr, le taux d'intérêt et la documentation contiendra également des déclarations, des garanties et des engagements faits par l'emprunteur sur son activité et sa propriété intellectuelle. Donc, essentiellement si nous devions résumer les types de documents de prêt dont nous parlons, cela consisterait en un contrat de crédit, comme on vient juste de mentionner, qui va parler des produits de financement, du taux d'intérêt et des différentes déclarations, garanties et engagements, et également d'un contrat de crédit, d'un contrat de garantie pardon avec l'emprunteur qui va accorder une sûreté où l'emprunteur va accorder une sûreté sur ses biens. Par exemple, ses revenus et sa propriété intellectuelle. Également, une chose importante à noter, c'est que ce contrat de sûreté va devoir être publié dans les registres applicables. Donc, il y aura le registre des droits personnels et réels mobiliers applicables qui sera pertinent et également au niveau un avis de la sûreté sera publié également dans le registre de propriété intellectuelle approprié. Comme vous savez, au Canada, on parle ici de l'OPIC, de ce registre dont je parle. Et pour conclure sur le sujet spécifique des documents de prêt, j'aimerais également rappeler nos discussions que nous avions eues tantôt sur la diligence raisonnable, et vous donner également l'exemple de quelques types de clauses que l'entreprise trouvera dans les documents de prêt, juste pour vous donner quelques exemples. En fait, les clauses vont toucher 2 grandes thématiques : la propriété de la propriété intellectuelle et le statut des droits de propriété intellectuelle. Donc, commençons par l'aspect de la propriété. Au niveau de la propriété, l'emprunteur fera des déclarations sur le fait qu'il est propriétaire de la propriété intellectuelle, par exemple du brevet. Il devra fournir une liste de ses actifs de propriété intellectuelle enregistrés et des pays où la propriété intellectuelle est enregistrée. Nous devrions indiquer l'inventeur et voir est ce qu'il est le créateur unique où il y a plusieurs créateurs ou inventeurs de la propriété intellectuelle, comme on l'a mentionné tantôt. Aussi, l'entreprise devra déclarer que la propriété intellectuelle est enregistrée au bureau de propriété intellectuelle applicable. Et pourquoi est-ce qu'il est important que l'entreprise soit le propriétaire enregistré sur le titre? C'est parce que, légalement, l'inventeur d'un brevet, par exemple, est le propriétaire. Mais si cet inventeur travaille dans une entreprise, il est très probable que c'est l'entreprise qui va obtenir une cession de l'invention du brevet afin de pouvoir être le propriétaire sur titre officiel, donc l'employeur de l'entreprise sera le propriétaire et non pas l'inventeur. Donc, c'est vraiment des spécificités à connaître au niveau du droit de propriété intellectuelle. Et si on passe maintenant au statut de la propriété intellectuelle. L'emprunteur, dans ce cas-ci, représentera qu'il n'a accordé aucun privilège, aucune sûreté sur la propriété intellectuelle à un tiers. L'emprunteur va s'engager, va déclarer qu'il procédera à l'enregistrement de tout nouvel actif de propriété intellectuelle en vertu des lois de propriété intellectuelle applicables et également à maintenir l'existence des droits de propriété intellectuelle actuellement enregistrés. Comment l'emprunteur va faire cela? Il va s'assurer de payer les frais de renouvellement qui sont prescrits par les différents bureaux d'enregistrement. Un autre problème de diligence raisonnable important à traiter, c'est de savoir s'il existe des litiges potentiels ou des litiges en cours qui impliquent la propriété intellectuelle de l'emprunteur. C'est un élément très important pour le prêteur et doit être évalué, car cela peut avoir un impact sur la valeur que le prêteur va accorder à l'actif de propriété intellectuelle. Également, l'emprunteur doit informer le prêteur de tout accord de licence existant de l'emprunteur. Et pourquoi les accords de licence sont importants pour le prêteur? On pourrait se poser comme question… En fait, lorsque le prêteur finance un propriétaire de propriété intellectuelle et que ce propriétaire accorde des licences de sa propriété intellectuelle à des tiers et génère des revenus, ces revenus sont très intéressants pour le prêteur. Elle constitue un élément important de la sûreté du prêteur. En revanche, si le prêteur finance un titulaire de licences de propriété intellectuelle, il devra comprendre la relation qu'a l'emprunteur avec le propriétaire de la propriété intellectuelle, qui est essentiellement le concédant de la propriété intellectuelle à l'emprunteur et voir comment cela pourrait avoir un impact sur la prise de garantie et les droits de l'emprunteur dans l'accord de licence. Et si on va au-delà des déclarations et des engagements et des garanties, la documentation de prêt va également énoncer les droits et les obligations de l'emprunteur, ainsi que les droits et recours du prêteur si l'emprunteur ne réussit pas à rembourser ses prêts ou à se conformer à l'une quelconque de ses obligations en vertu des documents de financement. Donc, comme vous pouvez le constater, un bon avocat va jouer un rôle important dans ce type de transaction.

Maya : Très important. Merci beaucoup d'avoir approfondi davantage la liste de la diligence raisonnable et je peux imaginer, en fait, pour quiconque qui possède une P.I., connaître le statut de sa P.I. en passant en revue certaines des choses que vous avez dites, que c'est très, très important. Merci beaucoup de partager cela. Mais maintenant, je n'ai pas d'argent, n'est-ce pas? Donc si je suis l'entreprise à ce stade, vous avez examiné ma P.I., vous avez fait une diligence raisonnable. J'ai expliqué tout ce qui concerne la P.I.. Que se passe-t-il ensuite? Quand est-ce que je reçois l'argent?

Koula : Parfait. Oui, bonne question, hein? La question à un million de dollars! Donc, une fois que la documentation de financement est signée, conclue et livrée et que tous les enregistrements de sûreté aient été complétés, comme je l'ai mentionné précédemment, le déboursé du financement se produit. Donc, le déboursé peut se faire en une tranche, en 2 tranches, dépendamment du type de produit qui est offert aux clients. Mais la relation, c'est très important ici de le préciser, entre l'emprunteur et le prêteur ne s'arrête pas là. Quand la propriété intellectuelle est un morceau très important de la garantie pour tout prêteur qui finance sur la valeur de la propriété intellectuelle, l'emprunteur a l'obligation de continuellement préserver la propriété et le statut de la propriété intellectuelle. Qu'est-ce que ça veut dire? Maintenir les enregistrements au registre applicable comme on l'a mentionné tantôt, payer les frais applicables, s'assurer que tout soit beau avec la propriété intellectuelle. L'emprunteur doit également informer le prêteur de l'acquisition de toute nouvelle propriété intellectuelle développée, informer le prêteur de tout changement dans l'entreprise et également qui pourrait affecter la propriété intellectuelle. Par exemple, si l'emprunteur conclut une licence exclusive pour la propriété intellectuelle ou s'il souhaite céder ou vendre une partie de la propriété intellectuelle à un tiers, l'emprunteur devra en informer le prêteur. Ce sont toutes des choses qui peuvent se produire durant la vie d'un prêt et qui doivent être discutées avec le prêteur.

Maya : Beaucoup de choses peuvent arriver, comme vous l'avez mentionné, tout au long du parcours. Par exemple, je pourrais être incapable de rembourser le prêt. Que se passe-t-il alors?

Koula : En effet, plein de choses peuvent arriver. Quand tout va bien, c'est génial, tout le monde est content, mais lorsque les choses commencent à ne pas bien aller, eh bien le prêteur et l'emprunteur doivent s'asseoir et discuter. Dans le cas où l'emprunteur rencontre certaines difficultés financières, telles que des problèmes d'entreprise, par exemple, alors l'emprunteur et le prêteur doivent s'asseoir et discuter de la situation de l'emprunteur pour voir comment ils peuvent s'arranger. C'est l'approche typique. Donc, dans ce contexte, c'est ce qu'on appelle, il pourrait avoir un défaut, donc qui pourrait se produire. Exemple, le l'emprunteur n'a pas fait un paiement. Dans ce cas, le prêteur pourrait tolérer un certain défaut de l'emprunteur. Et dans ce cas, l'emprunteur et le prêteur pourraient conclure ensemble ce qu'on appelle un accord de tolérance. Et c'est là que le prêteur donnerait à l'emprunteur un peu plus de temps, un certain espace pour respirer et résoudre certains problèmes. Et dans cette circonstance particulière, le prêteur pourrait exiger une garantie, par exemple supplémentaire, sur tout actif, qui n'a pas été donné en garantie en amont, et/ou exiger la garantie d'une tierce partie également. Si cela ne fonctionne pas non plus et que l'emprunteur ne peut toujours pas faire ses paiements sur le prêt, alors le prêteur devra malheureusement exercer ses droits et recours en vertu des conventions. Et c'est ici que je tiens à souligner le fait que de s'assurer que la sûreté sur la propriété intellectuelle est correctement et valablement créée et enregistrée dans les registres appropriés. C'est ici que ce fait trouve toute sa valeur. Et pour l'enregistrement, comme je l'ai mentionné tantôt, ça veut dire qu'un enregistrement enregistre des droits personnels mobilières applicables, mais également une notification faite au registre de propriété intellectuelle applicable, également. Tout cela est fait pour rendre la sûreté du prêteur opposable au tiers et pour assurer la priorité de la sûreté du prêteur dans un contexte de réalisation. Donc, l'objectif derrière tout cela, c'est que le prêteur puisse exercer sa garantie, sa sûreté et récupérer son prêt en priorité face à d'autres créanciers ou même à un syndic en faillite. Le prêteur pourra alors exercer ses droits qui sont prévus par la loi ou même dans l'accord dans les documents de financement.

Maya : Ça devient rapidement complexe.

Koula : Exactement, et c'est le cas, c'est exactement ça.

Maya : Donc, éloignons-nous un peu de ces complexités et parlons-en d'un point de vue plus général. Je veux dire, nous avons donné un excellent aperçu de la manière dont ces choses sont structurées et, espérons-le, une idée de ce que les entreprises doivent comprendre sur la diligence raisonnable. Que devez-vous savoir sur votre P.I avant de commencer à discuter de près avec quelqu'un d'autre?

Koula : D'un point de vue plus général, étant donné que vous êtes dans le domaine depuis longtemps, qui est le client typique pour obtenir un financement adossé à la P.I. par les banques?

Koula : Et bien sûr, et je pense que si nous devions retenir quelques points clés aujourd'hui, c'est ce qui suit. Donc bien sûr, c'est une grande question qui est posée, mais je pense dans le sens que nous devons regarder le type de financement que l'emprunteur demande. Nous avons effectivement parlé des différents types de financement précédemment et nous avons essayé de relier cela au type, au deuxième élément, qui est aussi très important, c'est-à-dire le stade du cycle de vie de l'emprunteur. La règle générale, c'est qu'un prêteur dans une transaction de financement qui est adossé à de la propriété intellectuelle, attribue de la valeur à la fois aux actifs tangibles et intangibles de l'entreprise et prend la propriété intellectuelle en garantie. Bien sûr, le prêteur tient compte des revenus générés par l'entreprise. Il va examiner également les droits de propriété intellectuelle et tous les problèmes que nous avons discutés précédemment sont très importants. La propriété de la propriété intellectuelle est clé et bien sûr, très, très importante dans l'analyse de crédit. Le prêteur va examiner également les investissements en capitaux propres dont bénéficie l'entreprise. Donc, il y a beaucoup d'éléments qui entrent en jeu pour répondre à la question et bien sûr accorder de la valeur à la propriété intellectuelle en tant qu'actif pose un défi pour les prêteurs traditionnels étant donné les défis d'évaluation dont on a discuté tantôt lié à de la propriété intellectuelle, qui sont vraiment à l'heure actuelle et le fait qu'elle n'apparaisse pas au bilan, ça n'aide pas la situation. Et bien sûr, avec ce qui s'est passé avec la Silicon Valley Bank, les banques en général pourraient certainement être plus prudentes dans leurs pratiques de prêt en ce qui concerne le financement adossé à de la propriété intellectuelle, dans ce contexte qu'on connaît maintenant. Qui sait? Nous pourrions peut-être voir des conventions ou des conditions supplémentaires dans les conventions de crédit. Donc, c'est quelque chose à suivre, certainement.

Maya : D'un point de vue général, ce que j'entends, c'est que c'est souvent une partie des capitaux propres. C'est souvent la combinaison d'actifs tangibles et intangibles, mais il y a une option non seulement au Canada, mais dans de nombreux autres pays du monde, selon laquelle ils veulent essayer de rendre le financement adossé à la P.I. en tant qu'actif autonome un peu plus courant et peut être un peu plus accessible aux entreprises. Alors, que pensez-vous qu'il faut faire pour rendre le financement de la P.I. plus courant? Est-ce possible?

Koula : Très belle question théorique et pratique en même temps. Maya, merci. Donc, écoutez, plusieurs éléments doivent converger pour réussir. Cependant, ce que je pense, c'est ce que je vais essayer d'exposer certains des défis dans cette partie du balado. Donc, le financement de la propriété intellectuelle présente plusieurs défis, comme on a vu tant du point de vue commercial que juridique et laissez-moi expliquer. Tout d'abord, la valeur de la propriété intellectuelle est complexe. Les normes comptables doivent évoluer pour refléter la valeur de la propriété intellectuelle et des éléments incorporels. Dans une économie basée sur le savoir, la propriété intellectuelle, c'est un élément important. Des travaux sont actuellement en cours dans la communauté comptable internationale, donc restons à l'écoute pour voir ce qui en sortira. Bien sûr, la valeur est également un problème pour le prêteur dans le contexte de la réalisation de ses sûretés. Et comme nous l'avons noté précédemment, nous nous souvenons de l'exemple avec Kodak et nos technologies de nos jours sont développées à un rythme exponentiel. Un brevet précieux aujourd'hui peut devenir obsolète dans un proche avenir, et c'est certainement quelque chose que les prêteurs doivent considérer dans leur analyse de crédit. Il y a également, il faut reconnaître la valeur de la propriété intellectuelle en tant que garantie du point de vue réglementaire bancaire. Donc, ce volet-là est aussi très important, et je m'explique : les banques sont soumises à un cadre réglementaire en matière de capital qui s'appelle Bâle III, et cela indique combien de capital une banque doit mettre de côté pour chaque prêt qu'elle accorde en fonction de la garantie qui soutient le prêt. Lorsque les actifs qui servent de garantie sont tangibles et liquides, cela aide le bilan de la banque, et je simplifie vraiment ici, mais ce n'est pas le cas, en fait, pour les actifs de incorporels. C'est donc un autre domaine où des travaux réglementaires devraient être réalisés. Ensuite, si nous passons au défi plus si on pourrait dire juridique, toute la question de la publicité, de la sûreté de la garantie dans 2 registres. On a parlé de l'enregistrement au registre applicable des droits réels et personnels, mais on a également parlé de l'enregistrement au niveau des registres de propriété intellectuelle de chaque pays. En fait, ne serait-il pas plus efficace et moins coûteux pour l'emprunteur de simplement notifier le registre de propriété intellectuelle ou peut-être l'inverse, de le publier que seulement au niveau du registre des droits personnels réels mobiliers? Et je ne veux pas trop m'y plonger là-dedans, mais c'est un débat quand même intéressant qu'on pourrait avoir là-dessus. Un autre angle important à explorer est le marché de la propriété intellectuelle. Dans le contexte d'une réalisation, le prêteur voudra se tourner vers un marché secondaire pour vendre la propriété intellectuelle. Et jusqu'à présent, ces marchés ne sont pas entièrement développés, comme c'est le cas par exemple pour l'immobilier, l'équipement ou l'inventaire. Lorsqu'un prêteur réalise ses sûretés, par exemple sur de l'immobilier, il existe un marché où il peut réellement se tourner et vendre l'immobilier. Même chose pour l'équipement, par exemple. Ce n'est pas le cas pour tous les actifs de propriété intellectuelle. Alors comment le prêteur peut-il évaluer la valeur de revente de la propriété intellectuelle dans ce contexte où ce marché n'est pas facilement disponible et accessible? Donc, ce sont tous des éléments qui doivent être réfléchis pour que le financement de la propriété intellectuelle devienne chose plus courante, comme vous l'avez mentionné. Mais c'est intéressant, vous savez, parce que ce n'est pas quelque chose qui n'est pas reconnu, n'est-ce pas? Les actifs de propriété intellectuelle, c'est la réalité, sont sous-utilisés, c'est certain. C'est ce que nous avons vu. C'est que de nombreuses banques de développement gouvernemental, ce qui est intéressant de noter, c'est que ont lancé même des programmes pour soutenir le financement adossé à de la propriété intellectuelle pour les petites et moyennes entreprises. Et cela est très intéressant. C'est un pas dans la bonne direction et cela se produit beaucoup en Asie. En Corée, par exemple, la Banque de développement coréenne a lancé la Technobank qui accorde des prêts aux entreprises activement impliquées dans des activités, tels que l'achat et la commercialisation de la propriété intellectuelle. Et un peu plus près de chez nous, mentionnons l'exemple de la Banque de développement du Canada, qui a également reconnu le problème des contraintes de crédit auxquelles font face les entreprises à forte intensité avec des éléments de propriété intellectuelle importants. Et c'est pourquoi la B.D.C. a lancé un fonds de 160 millions de dollars qui fournit un capital patient personnalisé sous forme de dette de caisse et capital et de capital aux entreprises canadiennes en croissance dans les industries du savoir. Donc, si certains d'entre vous veulent en savoir plus sur le modèle de financement de propriété intellectuelle de la B.D.C., je vous renvoie un excellent article qui a été écrit par Lally Rementilla, qui dirige en en effet l'équipe de financement sur les actifs de propriété intellectuelle de la B.D.C. Son chapitre concerne le financement sur les actifs de P.I. dans un livre récemment publié qui est un excellent outil pour les « start-ups », intitulé « Intellectual Property Management for Start-ups », publié par Springer Link plutôt cette année.

Maya : Koula, merci énormément, cela a été tellement, tellement précieux d'obtenir vos aperçus et votre perspective. Merci d'avoir pris le temps aujourd'hui et merci de m'avoir aidé ainsi que d'autres Canadiens à comprendre comment utiliser la P.I. de manière plus efficace.

Koula : Ce fut mon grand plaisir, Maya. Encore une fois, merci à Innovation, Sciences et Développement économique Canada de m'avoir accordé cette opportunité. Et comme vous le savez, l'objectif ultime est vraiment de promouvoir l'innovation au Canada.

Maya : Vous venez d'écouter « Voix de la P.I. canadienne », un balado où nous parlons de propriété intellectuelle. Dans cet épisode, nous avons plongé profondément dans le financement sur actifs de P.I. et Koula Hatzikiriakos a non seulement exposé les étapes pratiques du processus, mais aussi certains des facteurs clés, des critères et des points de décision impliqués dans l'utilisation de la P.I. comme garantie. Veuillez ouvrir la description de cet épisode pour trouver des liens vers le blogue de Koula et les livres et ressources qu'elle a mentionnées dans cet épisode.